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«On en a marre d’être pris pour des cons.» Le président du conseil régional des Hauts de France (ex-LR), Xavier Bertrand, n’a pas mâché ses mots jeudi sur le dossier Ascoval, une aciérie à Saint-Saulve, près de Valenciennes (Nord), menacée de fermeture. «Ils veulent l’badbadinat de cette entreprise qui a de l’avenir», a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à Lille. La colère de l’élu vise Vallourec, spécialiste des tubes en acier et actionnaire d’Ascoval, mais aussi l’Etat, tous deux accusés de laisser mourir l’aciérie.
«Pâté»
Le tribunal de commerce de Strasbourg doit statuer mercredi sur l’avenir d’Ascoval et de ses salariés : 281 emplois directs et près d’un millier d’emplois indirects sont en jeu. Mais Xavier Bertrand parie déjà sur un nouveau report de la décision du tribunal : selon lui, le gouvernement joue la montre «parce qu’ils ne veulent pas de grabuge pendant la visite du président de la République», prévue en novembre. Elus locaux, syndicats, salariés… Tous dénoncent cette stratégie d’usure. «Si vraiment on ferme, c’est un scandale d’Etat», affirme Grégory, dix-huit ans d’ancienneté.
Jeudi matin, ils sont une petite trentaine à bloquer les portes du centre de services partagé de Vallourec à Valenciennes, à 3 kilomètres de leur usine. Sur le parvis, les pneus brûlent, et certains portent les vestes argentées qui les protègent de la chaleur. Des ouvriers très qualifiés qui savent les jours de leur usine comptés. «Je sais faire de l’acier, soupire l’un d’eux, mais je ne sais pas vendre une baguette.» Il pense déjà à la reconversion. Ses camarades blaguent : «T’as qu’à traverser la rue, tu verras, tu deviendras charcutier, tu feras du pâté.» Vallourec est l’unique actionnaire encore présent de l’aciérie après la liquidation judiciaire d’Ascometal. Sans lui, l’offre de reprise portée par Altifort, un groupe franco-belge, ne tient pas la route.
Grégory, Samuel et les autres se souviennent des mots rbadurants d’Emmanuel Macron à la maire de Saint-Saulve, le 22 janvier : «Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.» Samuel raconte : «Ça nous a rbadurés sur le moment, c’est quand même le président de la République. On s’est pris une belle claque derrière.» Une semaine plus tard, le repreneur d’Ascometal est annoncé, c’est le suisse Schmolz + Bickenbach. Mais l’aciérie de Saint-Saulve ne l’intéresse pas. Bonne pour la fermeture. Sur intervention de l’Etat, Vallourec accepte, bon gré, mal gré, de continuer à s’y fournir en acier, au tarif préférentiel de 248 euros la tonne, pendant un an, le temps de retrouver un repreneur.
«Silence»
En ce mois de septembre, le couperet menace à nouveau. Le repreneur est là, mais il a besoin d’encore dix-huit mois de soutien de Vallourec, le temps d’installer une nouvelle unité de production, un train à fil qui transforme le métal en tube, matière première des boulons et des roulements à bille. Vallourec renâcle : l’acier Ascoval est cher, et le groupe industriel ne croit pas au projet d’Altifort. Coup de théâtre à Bercy : Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, apporte son soutien à Ascoval, et demande un délai pour convaincre Vallourec. Le 26 septembre, le tribunal de commerce reporte donc sa décision au 24 octobre.
Mais aujourd’hui, l’échéance se rapproche, et «c’est silence radio», soupire Bruno Kopczynski, de l’intersyndicale. Le chèque demandé à Vallourec est chiffré à 35 millions d’euros. Selon Cédric Orban, le directeur général d’Ascoval, l’achat de l’acier à Saint-Saulve représenterait 26 millions d’euros de plus par rapport au prix du marché. Mais ce surcoût est compensé par les aciers spéciaux, vendus à des tarifs compétitifs. Résultat, Vallourec ne devrait payer que 17 millions d’euros supplémentaires en se fournissant chez Ascoval. En plus, il lui est demandé 12 millions d’euros pour rénover les hangars nécessaires à la nouvelle activité. Enfin, il lui faut solder les compteurs temps des salariés, avant la reprise : 6 millions d’euros. «Vallourec renâcle et fait sa pleureuse, il ferait mieux de mieux gérer ses entreprises», grince Olivier Burgnies, délégué CFDT. Le groupe, dont l’Etat est l’actionnaire principal avec 16 % des parts, vient d’annoncer une perte de 307 millions d’euros. Pour Bruno Kopczynski, le chantage fait à l’Etat par la direction de Vallourec est clair : si nous aidons Ascoval, c’est le dépôt de bilan et 3 500 salariés sur le pavé en France.
Tête des mauvais jours, le député communiste Fabien Roussel a son idée sur ce qu’il faudrait faire : «Si Vallourec est vraiment en difficulté financière, alors la direction actuelle doit être débarquée. L’Etat doit monter à 33 % du capital et reprendre la main.» Xavier Bertrand n’est pas loin d’acquiescer : «Un changement de dirigeant ? C’est un sujet à mettre sur la table.»
Stéphanie Maurice correspondante à Lille
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