Brice Teinturier : «  Il y a une nostalgie de Nicolas Sarkozy  »



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Nicolas Sarkozy a reçu longuement Le Point. Dans un entretien-fleuve, l’ex-chef de l’État livre sa vision du monde et évoque également Emmanuel Macron. Silencieux depuis 18 mois, mais très consulté par la clbade politique, Nicolas Sarkozy reste une figure appréciée à droite – qui a dû mal à se relever de la déconvenue présidentielle. Même s’il a déclaré se retirer de la vie politique, plaît-il encore à l’électorat ? Éléments de réponse avec Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos France, enseignant à Sciences Po et auteur de Plus rien à faire, plus rien à foutre (éditions Robert Laffont).

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Le Point : Nicolas Sarkozy est-il encore très populaire à droite ?

Teinturier © ROMUALD MEIGNEUX Sipa
Teinturier © ROMUALD MEIGNEUX Sipa

Brice Teinturier : L’ex-chef de l’État est bien plus que simplement « populaire à droite » : il est très populaire chez les sympathisants LR, qui le placent comme leur champion toutes catégories ! Dans le baromètre Ipsos-Le Point
, 77 % des sympathisants LR portent sur lui un jugement favorable et seulement 23 % un jugement défavorable. Nicolas Sarkozy est largement numéro 1, 10 points devant Alain Juppé (67 %), et loin devant tous les autres ténors de la droite, jeunes ou moins jeunes : Xavier Bertrand (61 %), François Baroin (59 %), François Fillon (55 %) ou Valérie Pecresse (51 %).

Est-il plus populaire que Laurent Wauquiez ?

Il est bien plus populaire, et ce n’est pas le moindre des paradoxes. Laurent Wauquiez n’obtient que 39 % de jugements favorables dans sa propre famille politique et même 49 % de jugements défavorables, soit un différentiel négatif de 10 points.

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Est-il aussi populaire que François Hollande chez les sympathisants du Parti socialiste ?

Les sympathisants du PS placent François Hollande en tête chez eux, si l’on fait abstraction de Jack Lang. Si l’on compare le score de Nicolas Sarkozy dans sa famille politique à celui du prédécesseur d’Emmanuel Macron chez les sympathisants PS, l’avantage est encore à l’ancien patron de la droite française : 77 %, contre 63 %.

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Nicolas Sarkozy est-il aimé par les sympathisants du Rbademblement national (ex-FN) ?

Nicolas Sarkozy n’a pas laissé que de bons souvenirs chez les sympathisants RN, puisque 33 % seulement d’entre eux portent sur lui un jugement favorable et 64 % un jugement défavorable, mais ce résultat le place malgré tout en quatrième position, certes loin derrière Marine Le Pen et Marion Maréchal (89 % et 85 % de jugements favorables), mais juste derrière Nicolas Hulot (38 %). Il arrive également devant tous les autres leaders de la droite. Le constat est donc clair : oui, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui très populaire à droite.

Comment l’expliquez-vous ?

D’abord, parce que les sympathisants de droite sont orphelins d’un leader fort à droite qui fait l’unité de la famille et la mène à la victoire. Personne n’a pris la place de Nicolas Sarkozy, et c’est cela qui est remarquable. François Fillon a échoué à l’élection présidentielle, malgré cinq années de pouvoir de gauche. Personne n’est parvenu à combler le vide qu’il a laissé. Laurent Wauquiez, pas plus que Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, ne parvient pas aujourd’hui à faire l’unité de la droite, à la rbadembler dans sa totalité ou presque. La droite doute donc d’elle-même et ne sait pas très bien si elle parviendra, dans à peine plus de trois ans, à mettre fin à la disruption organisée par Emmanuel Macron. Avant Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac avait su s’imposer comme le leader de la droite, celui qui savait la rbadembler et la conduire à la victoire. Depuis, personne ne s’impose véritablement. La gauche avait connu semblable situation, notamment en 2002 avec la disqualification de Lionel Jospin au second tour de la présidentielle. Mais cahin-caha, Ségolène Royal avait repris le flambeau et, même battue par Nicolas Sarkozy, s’était qualifiée au second tour. Puis François Hollande l’a mené jusqu’à la victoire. Aujourd’hui, la droite est dans l’inconnue. Nul ne sait si et quand elle reviendra au pouvoir, sur quelle ligne, et avec qui.

Sa popularité à droite s’explique-t-elle par une autre raison ?

Oui et elle est d’une tout autre nature : elle est liée à la profonde transformation de ce qui constitue les sympathisants LR aujourd’hui. Grâce au panel réalisé par Ipsos pour le Cevipof, nous pouvons suivre les itinéraires politiques des Français depuis 2015. Or, 55 % seulement des Français qui se déclaraient en 2016 sympathisants LR continuent à se déclarer proches des LR en 2018. C’est une révolution. On a badisté sur la période à une gigantesque évaporation des soutiens de la droite, principalement au profit de LREM puisque 22 % de ces anciens sympathisants LR se déclarent maintenant sympathisants de la famille politique d’Emmanuel Macron, 12 % « sans préférence partisane », et 4 % sympathisants FN. Même si ce soutien à Macron reflue actuellement, la structure de ceux qui se déclarent aujourd’hui sympathisants LR a donc considérablement changé : ils sont moins nombreux, plus âgés, plus féminins, moins diplômés, un peu plus populaires et plus à droite qu’avant. Et donc, davantage en phase avec la ligne idéologique de Nicolas Sarkozy et ce qui a toujours été sa structure de soutiens. Derrière cette force, il y a donc une faiblesse potentielle : Nicolas Sarkozy est, certes, le leader préféré d’une famille politique, mais celle-ci est plus réduite, plus âgée et concurrencée tant par le FN que par LREM.

Nicolas Sarkozy pourrait-il être un recours pour cette famille politique en difficulté alors qu’il a pourtant été sévèrement battu à la primaire ?

Il y a un grand désarroi à droite, dont profite Nicolas Sarkozy. Et l’on pourrait d’ailleurs en ajouter d’autres, qui tiennent davantage à sa personne : son expérience, reconnue, sa capacité à affronter des crises – également reconnue –, sa stature présidentielle, son énergie, etc. Mais je ne pense pas pour autant qu’il y ait un désir de Nicolas Sarkozy. Une nostalgie, oui. Un désir ou une envie de retour, non. Déjà, l’ampleur de sa défaite lors de la primaire de 2016 a montré qu’il y avait à droite la volonté de tourner la page, que Nicolas Sarkozy au pouvoir avait déçu tant dans l’incarnation présidentielle que sur le fond et que de nombreux reproches étaient encore présents à l’esprit de ceux qui avaient pourtant voté avec enthousiasme pour lui en 2007 et, pour nombre d’entre eux, à nouveau Sarkozy en 2012.

L’autre question majeure, qui explique aussi la défaite de 2016, est de savoir ce que peut apporter Nicolas Sarkozy au pays. En 2005, 2006, la chose était entendue : le ministre candidat avait tout compris des tréfonds de la société française, de ses attentes et notamment de la demande de résultats, de ses angoisses aussi. Il avait un projet novateur et des équipes pour y répondre. Il avait suscité un formidable espoir. Depuis 2012, ce n’est plus le cas, il ne donne plus aux Français le sentiment de porter une vision et des propositions nouvelles. Enfin, les Français le connaissent totalement, j’ai envie de dire à 100 % et c’est probablement un handicap : il est en effet transparent pour eux, dans ses qualités comme dans ses défauts. Et donc prévisible. Or, pour s’imposer, il doit y avoir une part de mystère, d’étrangeté, qui suscite de l’intérêt et de l’espoir, qui donne envie aux Français de mettre à l’épreuve le candidat, de l’éprouver, à condition évidemment que des prérequis sur la compétence et la stature soient également là. C’est ce qui fait la différence entre un vieux couple et une relation de séduction. Il y a beaucoup de liens, on se connaît bien, tout cela peut être très fort et très riche, mais quand on a rompu, il est difficile de revenir et d’y croire à nouveau. Certes, il arrive que l’on se remarie avec celui ou celle dont on a divorcé, mais cela reste très rare et, surtout, le nouveau couple doit se créer sur des bases profondément différentes de l’ancien. C’est tout le pari pour Nicolas Sarkozy et il n’est pas simple, dans l’hypothèse où il serait tenté de revenir.

Est-ce alors le tour de Wauquiez, l’héritier le plus proche de Nicolas Sarkozy ? Ou demain d’une Marion Maréchal ? Ou même de Valérie Pécresse ?

La seule conformité à un héritage n’a jamais suffi à faire élire un homme politique. Même Pompidou avait su se démarquer de De Gaulle ! Je crois surtout que nous vivons un moment particulier où la question de la radicalité a pris de l’ampleur et de la légitimité parce que les Français pensent que le système est bloqué. C’est pour cette raison qu’ils admettent, et pour certains demandent que l’on cbade les règles habituelles, et désirent un renouvellement des leaders politiques, y compris s’ils n’ont pas d’expérience. Ipsos est un groupe mondial qui opère dans 89 pays et nous voyons ces tendances progresser partout. Elles ont fait la fortune de Trump, mais aussi de Macron en 2017 et de bien d’autres leaders y compris en Europe : pensez à l’Italie, à la Hongrie, à la Pologne et à ce qui se pbade dans une partie de l’Allemagne maintenant. Malgré tout, la radicalité fait également peur et la crédibilité reste un critère majeur. Le jeu n’est donc pas décanté à droite, mais il se fera probablement autour de figures capables d’incarner de la force, du renouvellement dans les pratiques et les idées, mais aussi, de la crédibilité. Ce n’est pas donné à tout le monde et le jeu n’est donc peut être pas si ouvert que cela.

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