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Le bateau gouvernemental tangue sérieusement en cette rentrée 2018, mais le ministre de l’Economie et des Finances « garde le cap ».
Installé depuis 17 mois à Bercy, Bruno Le Maire se sent complètement à l’aise dans son costume de poids lourd du gouvernement. Non, l’ex-candidat LR à la présidentielle n’est pas du tout un ministre frondeur. Bien au contraire ! Élève modèle, il défend toutes les positions d’Emmanuel Macron, en politique intérieure ou à l’international.
Sur le pouvoir d’achat, malgré la grogne qui s’intensifie autour de la hausse des prix du carburant, Bruno Le Maire refuse tout « retour en arrière ». Baisse des impôts, recul du chômage, le ministre, serein mais combatif, en est convaincu : d’ici la fin du quinquennat, les promesses de campagne seront devenues réalité.
POUVOIR D’ACHAT
Avec les hausses du prix des mutuelles, des carburants ou de la taxe d’habitation décidée par certains maires, le message du gouvernement sur le pouvoir d’achat n’est-il pas inaudible ?
BRUNO LE MAIRE. Notre message a toujours été le même : le travail doit payer. Nous voulons que ceux qui travaillent puissent vivre mieux. C’est l’objet de la baisse des cotisations salariales, de la revalorisation de la prime d’activité, de la suppression du forfait social sur l’intéressement dans les PME. Chacun doit jouer le jeu. Concernant les mutuelles, nous serons très vigilants à ce qu’elles n’augmentent pas leurs tarifs dans le cadre de la réforme du « reste à charge zéro ».
Mais si elles le font ?
Le gouvernement prendra les mesures nécessaires.
Plus de 6000 maires ont augmenté le taux de leur taxe d’habitation. Font-ils partie de ceux qui n’ont pas joué le jeu ?
Pas besoin de pointer du doigt tel maire ou un autre. Mais la baisse des impôts doit être un objectif partagé. Ce sont souvent les mêmes qui réclament les baisses d’impôts, mais qui ne veulent pas baisser les dépenses ! Je rappelle que les prélèvements obligatoires ont augmenté de façon continue ces dix dernières années. De notre côté, nous tiendrons notre engagement : nous baisserons les impôts d’un point d’ici 2022.
Mais les Français ne retiennent pas ce message. La grogne face à la hausse des prix du carburant s’intensifie…
Cette situation est d’abord liée à la hausse des prix du pétrole. Sur les 20 centimes d’augmentation du litre d’essence depuis un an, plus de 16 centimes résultent de l’augmentation du prix du baril. Certains voudraient qu’on crée un chèque carburant. C’est une solution à court terme qui contribuerait au réchauffement climatique ! Nous, nous permettons aux Français d’avoir accès plus facilement à un véhicule propre. La preuve ? La prime à la conversion a rencontré un grand succès. 250 000 ménages en bénéficieront en 2018, dont 70 % pour des ménages qui ne paient pas d’impôt sur le revenu. Nous sommes prêts à encore améliorer le dispositif.
De quelle façon ?
Avec François de Rugy (NDLR : le ministre de l’Ecologie), nous demanderons demain aux constructeurs automobiles de participer à la prime à la conversion. Elle devra être plus efficace et toucher plus de Français.
François de Rugy veut améliorer la prime de reconversion automobile. LP/Frédéric Dugit
Quel pourrait être le montant de leur contribution ?
Les montants seront discutés avec eux.
Malgré les aides, un véhicule propre coûte très cher pour les Français…
C’est vrai. Mais c’est bien pour cela que nous avons ajouté les véhicules d’occasion hybrides rechargeable dans le champ de la prime à la conversion. Par ailleurs, avec un véhicule propre, vous pouvez faire jusqu’à 20 % d’économies de carburant par an. Et donc récupérer une partie de votre investissement plus rapidement.
Envisagez-vous, dans le budget 2019, de ralentir la hausse des taxes sur les carburants ?
Une bonne politique, c’est de garder son cap. Nous ne ferons pas de retour en arrière. Est-ce que nous pouvons mieux faire ? Oui. Est-ce que nous devons mieux faire ? Oui. Est-ce que nous sommes prêts à améliorer encore les dispositifs ? Nous allons y travailler avec François de Rugy, car nous ne sommes pas sourds. Nous entendons les remarques et les inquiétudes des Français, ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler.
EMPLOI
Les chiffres du chômage en hausse de 0,5 %, c’est un mauvais signe ?
Si on regarde les chiffres du Bureau international du travail (BIT), nous sommes pbadés de 9,1 points de taux de chômage à l’été 2017 à 8,7 à l’été 2018. La tendance sur long terme est donc à la baisse.
Mais l’objectif de 7 % fixé par Emmanuel Macron à la fin du quinquennat est-il toujours tenable ?
Bien sûr ! C’est un objectif ambitieux que nous tiendrons. Dans l’industrie, contrairement à ce que j’entends, nous recréons des emplois : en septembre, il y a eu 61 000 embauches, du jamais-vu depuis 2006 !
La promesse d’un taux de chômage à 7 % à la fin du quinquennat est maintenue./LP/Frédéric Dugit
Les salariés de Ford à Blanquefort (Gironde) attendent d’être fixés sur leur sort. Que pouvez-vous faire pour eux ?
Je salue le sens des responsabilités des salariés qui sont favorables à l’offre de reprise de Punch. La seule solution responsable est maintenant que le PDG de Ford donne son feu vert. Je suis intervenu auprès de mon homologue américain, des conseillers du président Trump. Avec les salariés et les élus, nous sommes convaincus que c’est la meilleure solution. Un refus de Ford serait incompréhensible et inacceptable.
Suivez-vous autant le dossier de l’aciérie Ascoval ?
Je m’investis totalement sur ce dossier depuis le début de l’année. En ce qui concerne un éventuel repreneur, l’Etat est prêt à mettre 1 € pour chaque euro d’investissement privé. Nous avons mandaté un cabinet de conseil spécialisé pour évaluer la situation et les perspectives du site. Mais je n’ai pas de double langage : je ne serai jamais le ministre des illusions. Je ne peux m’engager que s’il y a un avenir solide pour cette aciérie. Je verrai les salariés mercredi avec la secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher.
En 2019, les entreprises vont bénéficier d’une trésorerie abondante. Ne craigniez-vous pas qu’elles en profitent pour verser des dividendes records ?
Ce serait une grave erreur. L’argent du CICE et des baisses de charges, qui représente 20 milliards d’euros de trésorerie supplémentaire, doit aller à l’investissement, l’innovation et l’emploi. Ces mesures, les entreprises les ont demandées. Nous ferons le bilan en 2020 et nous verrons si elles ont joué le jeu. Sinon, l’Etat interviendra.
POLITIQUE INTÉRIEURE
Macron baisse dans les sondages, Philippe grimpe. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Jacques Chirac disait sur les sondages, « il faut mépriser les hauts, et repriser les bas ». Parole de sage.
Alain Juppé craint que les élections européennes ne se transforment en « référendum pour ou contre Macron ». Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas là pour m’inquiéter, je suis là pour me battre. L’enjeu de ces élections dépbade de loin celui d’une sanction personnelle. Nous sommes à un tournant historique pour l’Europe, le projet européen peut disparaître. Face aux défis climatiques, migratoires et technologiques, la seule vraie protection viendra d’une Europe plus forte.
Avec un allié allemand fragilisé, Macron est-il isolé ?
Je constate une seule chose : le premier leader en Europe aujourd’hui a un nom, Emmanuel Macron. Nous l’avons montré sur la taxation des géants du numérique, sur le renforcement de la zone euro, sur le contrôle des frontières : toutes les propositions fortes viennent de la France. Nous avons retrouvé une crédibilité.
INTERNATIONAL
La Commission européenne a rejeté le budget de l’Italie pour 2019. Quel message adressez-vous au gouvernement italien ?
Je n’ai pas à juger de leurs choix, mais les règles sont les mêmes pour tous.
Existe-t-il un risque de crise européenne ?
Nous ne voyons pas de contagion en Europe. La Commission européenne a tendu la main à l’Italie, j’espère que l’Italie saisira cette main. Mais la zone euro est-elle suffisamment armée pour faire face à une nouvelle crise économique ou financière ? Ma réponse est non. Il est urgent de faire ce que nous avons proposé à nos partenaires pour avoir une union bancaire solide et un budget d’investissement de la zone euro.
La zone euro n’est pas suffisamment armée face à une nouvelle crise économique ou financière, alerte Bruno Le Maire./LP/Frédéric Dugit
Nos banques sont-elles exposées au risque italien ?
Certaines banques françaises sont présentes en Italie au travers de filiales qui financent les entreprises et les ménages à hauteur d’environ 280 milliards d’euros. C’est une somme gérable, mais importante. Personne n’a intérêt à ce que l’Italie soit en difficulté.
Votre proposition d’une taxation des Gafa sur la base du chiffre d’affaires a-t-elle une chance d’aboutir ?
Oui. Les entreprises européennes paient en moyenne 23 % d’impôts quand les géants du numérique en paient 9 %. C’est intolérable. Je me bats pour que, d’ici à la fin de l’année 2018, les Européens prennent une décision pour une taxation juste et efficace des géants du numérique.
Comment ?
Plus de 20 pays sont prêts à signer cette décision. Le Luxembourg et les Pays-Bas étaient hésitants, nous les avons convaincus. Nous touchons notre but, nous avons encore progressé vendredi à Berlin.
Depuis la mort du journaliste Jamal Khashoggi, les relations entre la France et l’Arabie Saoudite sont tendues. Pouvons-nous nous fâcher avec un partenaire stratégique et commercial de premier plan ?
C’est une affaire grave. J’ai annulé ma participation au Forum de Riyad. Il était impensable de se rendre à une réunion économique internationale dans ces circonstances. Comme l’a indiqué le président de la République, en fonction du résultat de l’enquête nous prendrons nos décisions, y compris des sanctions si nécessaire. Contrairement à ce que certains peuvent croire, les valeurs de la France pbadent avant les milliards d’euros en jeu.
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