polémique autour de la scientifique qui a révélé l’affaire



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“Lanceuse d’alerte” ou “irresponsable” qui “manipule l’opinion publique”? Emmanuelle Amar, la scientifique qui a rendu publique l’affaire des bébés nés sans bras dans l’Ain, est au centre d’une intense polémique, sur fond de problèmes de financement de la structure qu’elle dirige.

“Protégeons ceux qui alertent sur un risque sanitaire”, a lancé l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi jeudi 18 octobre lors d’une conférence de presse à Paris. Aux côtés de deux ex-ministres de l’Ecologie, Delphine Batho et Corinne Lepage, elle a exprimé son “soutien” à Emmanuelle Amar, qualifiée de “lanceuse d’alerte”.

“Emmanuelle Amar n’est pas une lanceuse d’alerte”, a répliqué l’épidémiologiste Ségolène Aymé dans un communiqué transmis à l’AFP. Dans ce texte très virulent, cette directrice de recherche émérite à l’Inserm fustige les “mensonges” et “l’attitude irresponsable” de Emmanuelle Amar. Des “attaques calomnieuses”, répond l’intéressée dans un entretien avec l’AFP.

Un excès de cas en Loire-Atlantique

Emmanuelle Amar dirige le Remera, le plus ancien des six registres des malformations congénitales de France. Basée à Lyon, cette structure été fondée en 1973 après le scandale du thalidomide, anti-nauséeux qui avait fait naître des milliers d’enfants sans bras entre 1957 et 1962.

Le registre a notamment aidé à montrer les conséquences de la prise de l’antiépileptique Dépakine pendant la grossesse.

Cet été, il a révélé que plusieurs bébés sont nés ces dernières années sans mains, bras ou avant-bras dans un périmètre restreint de l’Ain (7 naissances entre 2009 et 2014). Deux autres groupes de cas ont été observés, en Loire-Atlantique (3 entre 2007 et 2008) et en Bretagne (4 entre 2011 et 2013).

Après enquête, l’agence sanitaire Santé publique France a conclu début octobre que le nombre de cas de l’Ain n’était pas statistiquement supérieur à la moyenne nationale et a décidé de ne pas poursuivre les enquêtes sur le sujet. 

A l’inverse, il y a bien, selon elle, un excès de cas en Loire-Atlantique et en Bretagne. Mais ils restent sans explication : l’enquête n’a identifié aucune cause, y compris environnementale.

“Complotiste”

Ces conclusions sont contestées par Emmanuelle Amar, soutenue par des élus écologistes comme Michèle Rivasi ou Yannick Jadot.

Bien qu’aucune preuve scientifique ne l’étaye, ils pensent que des pesticides pourraient être à l’origine des malformations et accusent les autorités sanitaires de ne pas vouloir faire toute la lumière.

“Madame Amar fait en sorte de jeter la suspicion sur tout et tous, dans la plus grande tradition complotiste”, dénonce Ségolène Aymé, qui fait autorité dans son domaine puisqu’elle préside le comité chargé d’évaluer les registres, dont le Remera.

Elle souligne que l’existence d’un groupe de cas (appelé “cluster” en épidémiologie) peut, au final, être le fait du hasard.

Emmanuelle Amar “a manipulé les médias et l’opinion publique”, poursuit Ségolène Aymé, selon qui “la bonne attitude est de continuer à surveiller pour vérifier que le taux de malformations n’augmente pas avec le temps”.

“C’est une accusation sans fondement”, rétorque Emmanuelle Amar, qui sera auditionnée mardi à l’Assemblée nationale.

“Si j’étais une manipulatrice de médias, on n’en serait pas arrivé à la fin du Remera.”

Financement 

Depuis plusieurs mois, elle s’inquiète pour l’avenir de sa structure, à laquelle la région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Inserm ont retiré leur financement.

Il ne lui reste plus que les fonds de Santé publique France et de l’Agence du médicament (ANSM), soit 115.000 euros par an alors qu’il en faudrait 250.000, selon elle.

“Le financement a été supprimé au motif qu’on dérange”, martèle-t-elle.

Une version qui diverge de celle de la région. C’est un “manque de justification de dépense des fonds publics” qui explique le non-versement de la subvention de 2017, affirme la collectivité dirigée par Laurent Wauquiez (LR), selon laquelle le Remera n’a pas demandé la subvention en 2018.

Ségolène Aymé, elle, affirme que les financements de l’Inserm ont fini par être retirés car la directrice du Remera n’avait pas mis en oeuvre des mesures réclamées depuis 2012. Il s’agissait de “collaborer avec le réseau européen de registres de malformation” et de s’adosser à une équipe de recherche.

“Le Parisien” indique qu’Emmanuelle Amar fait l’objet d’une procédure de licenciement, de même que les cinq personnes qui travaillent avec elle au sein de sa structure. Le quotidien rapporte qu’elle a été reçue par les Hospices civils de Lyon, qui verse les salaires aux salariés, pour son entretien préalable au licenciement qui sera effectif le 31 décembre.

Delphine Batho s’offusque : “Il y a des lois pour protéger les lanceurs d’alerte, cela doit s’appliquer à Emmanuelle Amar.” Et Corinne Lepage d’abonder :

“Cette décision ne tient pas debout. Soit c’est un licenciement économique… Mais ce n’est pas le cas, car Santé Publique dit qu’il va maintenir les financements au Remera. S’agit-il d’un licenciement pour faute ? Mais laquelle ? On ira aux prud’hommes si nécessaire pour la défendre.” 

Emmanuelle Amar pourra également compter sur le soutien de l’ancienne directrice du Remera, aujourd’hui présidente de son conseil scientifique, Elisabeth Gnansia. “C’est quelqu’un de brillant, qui a du courage et de l’obstination”, badure cette dernière à l’AFP.

(Avec AFP)

L'Obs



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