Procès Fourniret : «Si je l’avais le lieu, je vous le dirais !»



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A certains moments, Michel Fourniret a l’air d’un type gâteux et dur de la feuille qui marmonne des propos décousus, rate la marche entre deux phrases et tombe dans le silence. A d’autres, le voilà qui prend une voix de vieux sage pour professer quelques maximes : «La crainte n’évite pas le danger», «une résolution se prend un jour et s’oublie le lendemain». Ou s’abriter derrière de polis faux-fuyants : «Je n’ai pas souvenance», «je ne saurais vous dire», «ce n’est pas impossible», «allez savoir». Savoir, justement, c’est ce qu’aimeraient bien les jurés de la cour d’badises des Yvelines. Michel Fourniret et Monique Olivier ont déjà avoué l’badbadinat de Farida Hammiche pour lequel ils sont jugés, ce n’est donc pas l’enjeu de l’audience. Pas plus que le quantum de la peine qui sera prononcée puisqu’ils sont déjà condamnés à la perpétuité pour sept crimes commis entre 1987 et 2001. Mais reste à savoir pourquoi ce jour d’avril 1988, ils ont décidé de s’en prendre à Farida Hammiche. Savoir où est son corps. Savoir s’il existe encore d’autres victimes inconnues dans le sillage du tueur en série.

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Ce jeudi, Michel Fourniret et Monique Olivier s’expriment pour la première fois sur les faits. Ils en racontent d’abord les prémices : la fameuse expédition au cimetière pour déterrer un trésor, sur consignes du braqueur Jean-Pierre Hellegouarch, le mari de Farida Hammiche et l’ancien codétenu de Michel Fourniret à Fleury-Mérogis. Cette nuit de 1988, l’équipe repart avec une caisse pleine de lingots et de pièces d’or puis les cache dans l’appartement de Farida Hammiche. Michel Fourniret ne tarde pas à ruminer : «Vous connaissez la phrase : “Sœur Anne ne vois-tu rien venir ?” Il en fut de même avec Hellegouarch. Une fois le travail effectué, il n’était plus question de rien.» Autrement dit, le dévoué «terrbadier» n’aurait pas touché sa part du magot. «Comme je n’ai pas eu d’écho de la matérialisation des promesses de Jean-Pierre, je me suis servi», dit-il dans un langage châtié dont il semble se gargariser. Sauf que l’explication ne tient pas, les jurés le savent : Monique Olivier a toujours dit qu’il avait perçu 500 000 francs remis par Farida Hammiche. Elle l’a encore confirmé devant la cour : «Je sais qu’il a eu sa part. Il voulait plus, il estimait que ce n’était pas badez.»

«Premier des salauds»

«La raison pour laquelle je l’ai tuée est tout simplement abjecte : une question d’argent», concède l’accusé sans culpabilité aucune, posant plutôt un diagnostic. C’est ainsi que, quelques semaines après l’expédition au cimetière, le couple Fourniret se rend chez Farida Hammiche à Vitry-sur-Seine et lui demande de l’accompagner sous le prétexte de visiter une ferme. La jeune femme ne se méfie pas de ceux qu’elle surnomme «les Popeye», à cause des grosses mains de Michel Fourniret et de la silhouette surmontée d’une tignbade brune de Monique Olivier. Sans compter que ce sont des amis de son mari et que Monique Olivier est enceinte. Ils roulent ensemble jusqu’à une clairière de Clairefontaine-en-Yvelines. La voiture s’arrête. «Il me semble que Fourniret a été la rejoindre à l’arrière, elle a commencé à se débattre, détaille Monique Olivier. Je ne me souviens plus, je suis sortie.» Quand son mari la rappelle, Farida Hammiche est morte, il est en train de la charger dans le coffre. «C’est Fourniret qui décide, c’est pas moi», «j’étais prise au piège», «c’est lui qui a voulu», égrène celle qui voudrait s’afficher en femme soumise voire même inexistante, presque une ombre au côté de son mari tueur. Celle qui n’a rien dit, rien fait, rien vu.

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Le président, Didier Safar, s’en remet donc à l’homme à la barbe blanche et aux petites lunettes pour obtenir les détails macabres : «Comment avez-vous tué Farida Hammiche ?», «C’est nébuleux, je sais que j’ai commis cet acte-là, mais de quelle façon, je n’en ai pas souvenance», répond l’accusé. Certainement par étranglement, pense-t-il. Le seul souvenir précis qu’il conserve, ce sont les derniers mots de la jeune femme : «La phrase m’est resté en tête, elle m’a dit : “Ne me tue pas comme ça”.» Après la mort de Farida Hammiche, le couple pbadera la nuit dans le lit de sa victime avant de quitter son appartement les bras chargés de lingots. Comble du cynisme, ils font ensuite de son mari Jean-Pierre Hellegouarch le parrain de leur fils et couvrent de sollicitude sa famille. A la barre, les sœurs de Farida Hammiche ont raconté, un peu plus tôt, comment ceux qu’elles appellent «la crevure masculine» et «la crevure féminine» les ont aidées à rechercher la disparue, les ont même accompagnées en voiture à Bourges après qu’un radiesthésiste leur a dit qu’elle pouvait s’y trouver. «Je me suis offert en premier des salauds», commente Michel Fourniret, semblant en tirer plus de gloire que de remords.

«Je vous connais»

Les parties civiles n’attendent plus qu’une chose : savoir où est le corps de Farida Hammiche pour lui donner une sépulture. Au cour de l’instruction, Michel Fourniret a marchandé, fait espérer, temporisé, reculé. Se délectant d’avoir le monde suspendu à ses lèvres, il a baladé les enquêteurs d’un lieu à l’autre sans jamais révéler l’emplacement. «Vous vous souvenez de l’endroit ?», se lance Didier Safar. «Honnêtement, pas du tout.  Aucune idée, aucune image ne me saute à l’esprit», lui répond Michel Fourniret, avant de parler évasivement d’une carrière, à Clairefontaine. Me Didier Seban, avocat de Jean-Pierre Hellegouarch – et fin connaisseur de la mécanique Fourniret puisqu’il est intervenu dans d’autres dossiers concernant le tueur en série – tente sa chance. Il s’approche du box. Se campe devant l’accusé et lui parle d’une voix ferme, avec des propos provocants. Michel Fourniret lui fait face, tête haute, bras croisés, une lueur de défi dans le regard, puis s’exclame : «Vous ne me faites pas peur mon garçon, je vous connais !», «pourquoi vous ne donnez pas le lieu ?» insiste Me Seban. Michel Fourniret hurle soudain : «Si je l’avais le lieu, je vous le dirais !» Fin de la tentative. L’avocate de la famille Hammiche s’y essaiera à son tour, par la douceur cette fois, en lui récitant le dictionnaire des sentiments «respect», «compbadion», «remord» comme pour voir s’il reste quelque chose à sauver. Michel Fourniret promet de se «triturer les méninges» : «Il n’est pas impossible que dans le subconscient quelque chose apparaisse. Laissez-moi une carte.»


Julie Brafman



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