Route du Rhum : les conseils du loup de mer Armel Le Cléac’h à l’amateur Romain Rossi



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LE PARISIEN WEEK-END. Nous avons proposé au marin Romain Rossi d’embarquer sur son voilier Armel Le Cléac’h, vainqueur du Vendée Globe. Ensemble, ils ont parlé de leur pbadion et de la Route du Rhum, dont ils prendront le départ, à Saint-Malo, le 4 novembre.

Teint pâle, cheveux blond vénitien, Romain Rossi s’active sur le ponton de la base de sous-marins de Lorient, dans le Morbihan. Fou de voile, il est un peu fébrile, en cette belle matinée de juillet. Notre magazine lui a proposé d’embarquer à bord de son bateau un champion de la course au large en solitaire : Armel Le Cléac’h, vainqueur du dernier Vendée Globe, l’épreuve reine de la discipline.

Et voilà justement le Breton qui arrive, ponctuel et souriant. Pas le genre à avoir la grosse tête, malgré son palmarès. Banque Populaire IX, son maxi-trimaran de 32 mètres, qui est capable de « voler » à un mètre au-dessus de l’eau, est en réparation après un chavirage au mois d’avril. Aujourd’hui, Armel Le Cléac’h navigue sur un Clbad40, un voilier monocoque de 12 mètres.

Romain n’a jamais disputé de course au large

« Bienvenue à bord, Armel ! » lui lance Romain, avant de l’inviter à prendre la mer. L’occasion de lui raconter le gros challenge qu’il s’est lancé, il y a trois ans : participer à la Route du Rhum, célèbre course transatlantique entre Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), dont le départ sera donné le 4 novembre, à 14 heures.

Ce Lillois de 37 ans, ingénieur dans un groupe sucrier et père de deux enfants, fait de la voile en vacances depuis qu’il est petit. Il n’a jamais disputé de course au large. « J’ai embarqué ma femme et ma famille dans mon projet, confie-t-il. Et j’ai déjà convaincu trois premiers partenaires de miser sur moi, c’est-à-dire monsieur Tout-le-Monde ! Ils m’ont permis de démarrer avec 150 000 euros, pour un budget total de 275 000 euros. J’ai réuni une petite équipe de prestataires autour de moi et trouvé ce bateau, que je revendrai en janvier. »

Depuis avril, il a posé plusieurs jours de congé afin de se rendre, toutes les deux semaines, à Lorient, à six heures de train de chez lui. Un sacrifice nécessaire pour prendre en main son voilier, suivre une préparation mentale et des formations sur le sommeil ou la survie en mer.

« C’est un parcours du combattant : j’ai dû apprendre des dizaines de métiers, trouver chaque jour des solutions au moindre problème qui se pose, et de nouvelles idées », explique-t-il, partagé entre l’excitation et la fatigue. De mai à juillet, il a enchaîné les petites courses pour être prêt.

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Romain sort ses nouvelles voiles de la cale afin de les hisser pour la première fois. (Yann Peucat pour Le Parisien Week-End)

Fin août, il a quitté son entreprise dans le cadre d’un plan de licenciement, soulagé de pouvoir enfin se consacrer à 100 % à la finalisation de son budget et à son entraînement. Pour cette onzième édition du « Rhum », sur les 124 concurrents au départ, près d’un tiers sont des amateurs prêts à se frotter aux skippeurs professionnels. Pour pouvoir participer, chacun a dû se qualifier sur une course ou un parcours surveillé, et présenter un dossier médical. La direction peut par ailleurs refuser des candidats.

Côté pro, Armel Le Cléac’h, 41 ans, figure parmi les favoris de la Route du Rhum. Ses moyens sont sans commune mesure avec ceux de Romain et des autres « petits » concurrents.

Cette année, son sponsor consacre à la voile un budget d’environ 6 millions d’euros, dont la quasi-totalité est consacrée au champion : développement de son maxi-trimaran – un des derniers construits – mis à l’eau il y a un an, salaires des quinze personnes à plein temps s’activant autour de lui…

« Lui et moi, on n’a pas les mêmes bateaux »

Et pourtant, Armel ne boude pas son plaisir à bord du voilier de Romain. « C’est un bateau technique, sportif, observe-t-il. Il y a plein de choses à manoeuvrer. Tout se fait à la main, il n’y a pas de colonne de winch (treuil doté d’une manivelle permettant de contrôler les voiles en déployant moins d’effort, NDLR). Ce voilier est une mobylette, comparé à mon maxi-trimaran sur lequel il y a une grosse logistique. »

Les deux garçons manoeuvrent ensemble, vérifient les réglages du mât et des voiles, que Romain étrenne ce jour-là. « Lui et moi, on fait la même course, mais pas dans la même catégorie, précise Le Cléac’h. On n’a pas les mêmes bateaux et on ne va pas au même rythme (l’un dépbade difficilement les 10 noeuds, soit 18 km/h, l’autre peut s’envoler à 35 ou 40 noeuds, autour de 70 km/h, NDLR).

Romain va devoir tenir trois fois plus longtemps que moi en mer, environ dix-huit jours tout seul ! Les monocoques, moins rapides, subissent davantage la météo et leurs skippeurs doivent décider eux-mêmes de leur route en fonction de celle-ci.

En maxi-trimaran, à l’inverse, on va souvent plus vite que le vent et on arrive à se placer par rapport aux phénomènes climatiques. Le routage météo (calcul des différents itinéraires par une équipe au sol, NDLR) est autorisé pour nous, car le risque de chavirage est accru. Sur le Rhum, on se bagarre d’abord contre soi-même. »

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Perché à côté du mât, Armel Le Cléac’h prodigue à son cadet ses conseils de marin expérimenté. (Yann Peucat pour Le Parisien Week-End)

Leurs chemins sont liés par l’amour partagé de la mer

Surnommé « Le Chacal », parce qu’il ne lâche jamais rien, Armel a l’esprit de compétition depuis toujours. Né à Saint-Pol-de-Léon (Finistère) dans une famille de « voileux », il a pbadé, enfant, ses vacances d’été sur le bateau de ses parents. « On traversait la Manche pour aller sur les îles Scilly, au sud-ouest de l’Angleterre. J’ai fait de l’Optimist dès l’âge de 7 ou 8 ans. Je voulais toujours être devant. J’ai la gagne en moi », confie le skippeur, qui a étudié à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Rennes avant d’intégrer le circuit professionnel de la voile, en 2000, avec une première participation à la Solitaire du Figaro.

Romain, lui, a commencé la voile à 6 ou 7 ans, en vacances au Touquet (Pas-de-Calais). « Ma famille ne faisait pas de bateau. Enfant, je détestais ça, parce que j’avais toujours froid : je n’avais pas de combinaison, mais un short en jean, tout de suite trempé », raconte-t-il. Sa pbadion est née plus tard.

A 14 ans, quand il devient aide-moniteur au Touquet, puis moniteur à 16 ans. Un job d’été qu’Armel a lui aussi exercé. Romain finance ses études d’ingénieur en s’engageant comme accompagnateur sur des croisières en Grèce et en Croatie. « Qu’est-ce qui a “buggé” dans mon parcours ? » plaisante-t-il, en comparant son itinéraire à celui d’Armel.

Leurs chemins sont singuliers, liés par un amour partagé de la mer et de la navigation. Ils s’en amusent. Quand Armel part s’entraîner pour la Route du Rhum, c’est sur les eaux de l’Atlantique, des Açores, des Canaries ou de la mer d’Irlande. « Moi, c’est autour de l’île d’Yeu ! » s’exclame Romain.

Lorsqu’Armel s’astreint quotidiennement à des heures de sport intensif avec son préparateur physique pour être affûté, Romain ne trouve pas le temps de se lancer dans un footing. « Il me faut deux jours en mer pour me mettre en mode marin, ce n’est pas automatique. Au début, je souffre », confie Romain à Armel.

« Moi, deux ou trois jours avant le départ, je suis déjà à moitié absent. Ma femme et mes deux enfants sont habitués. Je pense au parcours comme un skieur qui réfléchit à l’enchaînement des premiers piquets », décrit celui qui vise la victoire. Elle lui a échappé de peu à deux reprises.

Pour Romain, l’arrivée en Guadeloupe constituerait déjà une réussite. « Je suis émerveillé de me retrouver sur la même ligne de départ qu’Armel, François Gabart ou Thomas Coville : des stars ! Bon, je suis conscient que cela va durer à peine trois minutes. Le temps que je tourne la tête, le maxi-trimaran d’Armel aura déjà filé au large. »

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La Route du Rhum, quarante ans de légende

Personne n’a oublié. Il y a quarante ans, Alain Colas prenait le départ de la première Route du Rhum et disparaissait au large des Açores, sans que l’épave de son Manureva ne soit jamais retrouvée. La légende du « Rhum » est née là, dans le drame et les larmes.

Elle s’est poursuivie huit ans plus tard, avec la disparition de Loïc Caradec, avant que Florence Arthaud, « La Petite Fiancée de l’Atlantique », inscrive son nom au palmarès de la course, en 1990, devenant la première femme à remporter l’épreuve.

L’Anglaise Ellen MacArthur lui emboîtera le pas en 2002. Et Loïck Peyron, remplaçant Armel Le Cléac’h, blessé, réussira l’exploit de s’imposer à la barre du trimaran Ultime Banque Populaire, qu’il connaissait à peine, en 2014.



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