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La justice a accordé un nouveau délai de deux semaines pour statuer sur le sort de l’usine. Mais la nouvelle n’a pas du tout soulagé les 281 salariés.
Le Monde.fr avec AFP
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Par Le Monde.fr (avec Laurie Moniez, envoyée spéciale à Saint-Saulve)
Deux semaines de sursis supplémentaires pour l’aciérie d’Ascoval et ses 281 salariés. La chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, qui devait statuer mercredi 24 octobre sur l’avenir de l’usine située à Saint-Saulve, près de Valenciennes (Nord), a décidé de renvoyer sa décision au 7 novembre.
La veille, les salariés, « écœurés par l’Etat » et par le groupe Vallourec, qui détient 40 % de l’usine placée en redressement judiciaire en janvier, ont décidé de cesser le travail et de bloquer le site. Ils protestent contre le refus de Vallourec, dont l’Etat est actionnaire, d’apporter le soutien financier demandé par le groupe franco-belge Altifort, candidat à la reprise.
Le récit :
l’impossible accord de reprise de l’aciérie Ascoval
Le groupe a affirmé lundi dans un communiqué que le soutien demandé par Altifort, qu’il chiffre à 51 millions d’euros, serait « contraire à la préservation des intérêts du groupe ». En juillet, trois candidats se sont manifestés auprès des magistrats strasbourgeois pour reprendre l’usine, mais seul Altifort a finalement déposé un dossier ferme.
Le délai décidé par le tribunal de Strasbourg doit ainsi permettre de valider le dossier de reprise d’Altifort et de trouver un accord avec Vallourec, ont expliqué des représentants de la direction et du personnel d’Ascoval à l’issue de l’audience. « Le sentiment, c’est que le tribunal veut trouver une solution positive et on va continuer à mettre la pression sur Vallourec », a déclaré Olivier Burgnies, délégué CFDT d’Ascoval.
Mais cette nouvelle n’a pas suscité de soulagement chez les salariés nordistes réunis autour d’un grand feu au rond-point de l’entrée d’Ascoval. « L’Etat nous mbadacre. Avec Vallourec, ils nous mettent dans le trou », soupire Jean-Marc Bailleul, 57 ans. Contrairement à son père et son grand-père, il est persuadé qu’il n’affichera pas quarante-cinq ans de carrière dans cette usine qui est toute sa vie. La plupart des aciéristes sont convaincus que la fin est proche. « Le report, c’est juste reculer pour mieux sauter, lance un de ses collègues. En plus, le 7 [novembre], c’est le jour où Macron, “super menteur” , vient à Maubeuge. Tout ça, c’est du cinéma. »
« Maintenir une pression forte »
En fin de matinée, les salariés se sont réunis dans l’usine pour décider s’ils reprenaient ou non le travail. « On veut maintenir une pression forte, explique au micro Nbadim Bardi, au nom de l’intersyndicale. Il nous faut une date de réunion avec Vallourec pour négocier les conditions de la reprise : si Vallourec ne suit pas, on arrête tout. » En attendant la réunion, les wagons, les barres ou les tubes d’acier ne sortiront pas de l’immense site de sidérurgie. Les ouvriers bloquent leur outil de travail jour et nuit.
Ils souhaitent désormais une issue rapide. « Tous les feux sont au vert, veut croire le directeur de l’usine, Franck Dourlens. Et ce matin, le ministre [de l’économie] Bruno Le Maire a annoncé son soutien financier au repreneur Altifort à raison d’un pour un. Reste un acteur à convaincre et pas des moindres : Vallourec. »
Au micro de RTL, M. Le Maire a en effet annoncé qu’« un euro d’argent public » sera injecté dans l’aciérie « pour un euro d’argent investi » par le privé car « Altifort ne peut mettre que 10 millions d’euros sur la table alors qu’il en faudrait 200 ». Mais ce sauvetage ne se fera pas sans Vallourec, prévient le ministre. Le spécialiste français des tubes sans soudures « ne pourra pas se laver les mains de salariés qui étaient les siens ».
« Je pensais faire toute ma carrière ici »
Sur l’immense site de Saint-Saulve, où s’étalent les bâtiments en tôle bleue et blanche, les visages sont graves. Parka orange sur le dos, Jean-Marc Bailleul a commencé comme quenouilleur, « aujourd’hui on dit opérateur de plancher ». Pendant trente-six ans, il a manié l’acier liquide à 1 600 °C.
« Je pensais faire toute ma carrière ici mais l’espoir est faible. Et encore, à 57 ans, je suis un peu sauvé. Je pense surtout à tous ces jeunes, aux quadragénaires. Dehors, sans bagages, que vont-ils faire ? »
Unis, les gars d’Ascoval évoquent tous cette ambiance si particulière à l’aciérie. « On est une famille, insiste Salvatore Benedetti, 53 ans. On se connaît tous, il y a une énorme solidarité. Dans nos veines, c’est pas du sang qui coule, c’est de l’acier. » « Depuis quatre ans, Vallourec nous a trahis », estime Patrick Agthe, 59 ans, gestionnaire-acheteur chez Ascoval.
« On s’est retrouvés orphelins, lâchés par tous. Or, on a fait preuve de patience et d’un comportement exemplaire. Tous ces grands décideurs sont des rois du poker mais les pions, c’est nous. Savent-ils que l’on est sur une poudrière ? »
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