Disparition de Francis Lai, des bals populaires niçois à l’Oscar hollywoodien



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Il était le seul être humain à avoir réussi l’exploit de se cogner 36 films de Lelouch, et pas que des chandelles, à part Claude Lelouch lui-même. Francis Lai n’avait pas trop le choix, puisqu’il en composait les musiques, et comme Lelouch tourne encore plus vite que sa caméra, ce petit niçois jovial n’a jamais trouvé le temps de se couper les cheveux. Depuis Un homme et une femme, palmé d’or en 1966, jusqu’à Chacun sa vie cinquante ans plus loin, sa vie à lui était liée pour le meilleur et pour le pire au Stakhanov de Montmartre. C’est pourtant une partition non lelouchienne qui lui apporta son plus beau trophée, un Oscar pour la mélodie du mélo Love Story en 1971, et pour nous des siècles d’attentes téléphoniques en alternance avec les Quatre Saisons de Vivaldi.

Fils d’horticulteurs né à Nice en avril 1932, Lai doit sa folle trajectoire à l’instrument phare de la France éternelle, l’accordéon, auquel il fut initié par un cousin et dont il n’a jamais quitté les bretelles une fois la gloire venue. Des bals popus dans l’arrière-pays niçois à Hollywood, dans le dos de Piaf, qu’il accompagne à ses débuts à Paris ou dans la roue d’Yves Montand (A bicyclette, c’est lui), le piano du pauvre aura ainsi fait sa fortune, son sens de la mélodie qui vous poursuit jusque dans la tombe étant ensuite mis en valeur par d’autres, notamment l’orchestrateur Christian Gaubert, rencontré grâce à Paul Mauriat.

Chabadabada

C’est à Pierre Barouh qu’il doit en 65 sa connexion avec Lelouch, en pbade de tourner son premier long-métrage, et c’est le même Barouh qui chante à l’unisson avec Nicole Croisille les fameux Chabadabada que tout le monde entend mais qui n’ont pourtant jamais existé (écoutez bien la chanson). Qu’importe, on prête une partie du succès international d’Un homme et une femme à sa bande-son, et Francis Lai rejoint le cénacle des compositeurs capables de coller un film en mémoire une fois la salle rallumée. Le réalisateur de Love Story, Arthur Hiller, tout comme le producteur Bob Evans, tentent de l’attirer à Hollywood, mais Lai refuse… car il a peur de l’avion. Qu’à cela ne tienne, la Paramount fait livrer une copie 35mm et une Movida directement à Nice, où il pbade ses vacances, pour qu’il se mette au travail sur-le-champ.

Contrairement à Maurice Jarre, Michel Legrand ou Georges Delerue, et pas seulement à cause de sa phobie aérienne, il restera pourtant sourd au chant des sirènes d’Amérique, préférant entretenir son filon avec Lelouch et disperser des thèmes plus ou moins inoubliables chez René Clément (le Pbadager de la pluie, la Course du lièvre à travers les champs), Henri Verneuil (le Corps de mon ennemi), Dino Risi (Ames perdues) ou Claude Zidi (les Ripoux) tout en continuant à écrire par dizaines des chansons pour Mireille Mathieu.

Chaleurs adolescentes

C’est également à lui que l’on doit quelques chaleurs adolescentes au visionnage du nanar flou de David Hamilton, Bilitis, qui lui vaudra d’enchaîner dans le (Francis) olé olé, mais souvent pour des seconds coups (Emmanuelle 2, Madame Claude 2). Les cinéphiles insomniaques, pour leur part, ont tatoué à vie sur les tympans le générique du Cinéma de minuit de FR3, le fameux où tout le gotha du celluloïd noir et blanc est à deux doigts de se rouler une galoche.

Ce sont souvent des musiques soyeuses, sentimentales, des trucs qui donnent envie d’aimer son prochain comme soi-même si on a un fond d’humanité, ou d’égorger des pandas si on est fan de Metallica. En fouillant un peu, on trouvera aussi des choses plus étranges et remuantes dans sa vaste discographie, notamment la frénétiquement pop B.O. de l’Aventure c’est l’aventure (avec Hallyday au crachoir) ou des bizarreries funky tel que ce Young Freedom de 1978, un générique pour Radio Andorre récemment déterré sur la compilation Cosmic Machine : The Sequel, et remixé dans la foulée par les Anglais de Golden Rules.

Lai n’était pas un ambitieux, il était aussi simple que ses airs, aussi chaleureux et aimable, un peu kitsch également. Lors d’une visite il y a quelques années dans son très beau duplex avec home-studio et terrbade près du Trocadéro, on s’étonnait d’y voir un tableau de Fernand Léger mal éclairé, perdu parmi des croûtes à l’aérographe. «Je l’ai acheté dans une galerie à Nice, nous avait-il répondu, parce que ma femme m’avait fait remarquer qu’il avait les mêmes initiales que moi.» Avant de mourir, il venait d’achever le reboot de sa partition fétiche pour la suite gériatrique d’Un homme et une femme, toujours avec Nicole Croisille mais aussi avec Calogero à la place de Pierre Barouh. N’y voyons toutefois aucun rapport de cause à effet.

Christophe Conte



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