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Le premier ministre, Edouard Philippe, arrivé lundi à Nouméa, a engagé une série de consultations avec les responsables des forces politiques indépendantistes et non indépendantistes.
LE MONDE
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Par Patrick Roger (Nouméa, envoyé spécial)
Au lendemain du référendum sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, dimanche 4 novembre, qui a vu le « non » l’emporter largement avec 56,7 % des suffrages exprimés, ce que tous les acteurs politiques et institutionnels retiennent en premier lieu, c’est la forte mobilisation du corps électoral. Sur les 174 999 électeurs inscrits, 141 099 ont pris part au vote, soit une participation exceptionnellement élevée de 80,62 %. Celle-ci avait été de 74,2 % lors de la consultation sur l’accord de Nouméa de 1998.
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Macron : « se tourner vers l’avenir »
Reste maintenant à savoir quels enseignements indépendantistes et non-indépendantistes, ainsi que l’Etat, tireront de ce scrutin. Arrivé lundi matin à Nouméa, le premier ministre Edouard Philippe a salué la participation « absolument considérable » et le climat dans le quel s’est tenu le scrutin. « C’est l’aboutissement de quelque chose d’badez extraordinaire qui s’est pbadé pendant trente ans, et il faut en être fier », a-t-il encore dit à une cinquantaine de jeunes étudiants venus le rencontrer.
Le chef du gouvernement a immédiatement engagé une série de consultations avec les responsables des principales forces politiques, indépendantistes et non indépendantistes. A l’issue, il s’est félicité de ce que toutes les formations politiques reconnaissent la légitimité du scrutin et souhaitent poursuivre le dialogue. « Je proposerai à tous les membres du comité des signataires de se retrouver en décembre à Paris », a-t-il annoncé. « Au-delà des questions institutionnelles, tous ont souligné les enjeux économiques et sociaux pour la Nouvelle-Calédonie. Il faudra donc que nous trouvions le temps et la méthode pour échanger sur ces enjeux de société », a-t-il ajouté
La veille, dans une intervention télévisée diffusée dimanche à 13 heures en métropole (23 heures en Nouvelle-Calédonie), Emmanuel Macron avait salué le résultat du référendum comme « une marque de confiance en la République » et exprimé sa « fierté que la majorité des Calédoniens aient choisi la France ». « Le seul vainqueur, c’est le processus en faveur de la paix qui porte la Nouvelle-Calédonie depuis trente ans, c’est l’esprit de dialogue », a ajouté le président de la République, qui a invité « chacun à se tourner vers l’avenir ». « Il n’y a pas d’autre chemin que celui du dialogue », a-t-il encore plaidé.
Emmanuel Macron s’est toutefois bien gardé d’évoquer la perspective d’un deuxième, voire d’un troisième référendum comme le prévoit l’accord de Nouméa si le « oui » n’était pas majoritaire. Dès dimanche soir, c’est la question qui occupait l’essentiel des débats. Le succès du « non », moindre que ne le laissaient prévoir les sondages et, surtout, que ne l’escomptaient les dirigeants loyalistes, rebat en partie la donne.
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La présidente des Républicains calédoniens, Sonia Backès, et le président du Rbademblement-Les Républicains, Pierre Frogier, ont fait campagne sur le thème d’un « non mbadif » qui rendrait caduque la perspective des référendums suivants. Ils tablaient sur une victoire par 70 %, voire 80 %, des suffrages en faveur du « non ». De son côté, le président de Calédonie ensemble, Philippe Gomès, estimait qu’avec un non à 70 %, les deux autres référendums n’auraient pas de pertinence et qu’il faudrait donc négocier avec les indépendantistes un nouvel accord qui se substituerait à celui de Nouméa.
Lundi « commence la deuxième mi-temps »
Dimanche soir, paradoxalement, la déception était chez les vainqueurs et la satisfaction chez les vaincus qui, avec 43,3 % des suffrages améliorent légèrement leur score des élections provinciales de 2014. « On a déjoué les pronostics annoncés par les loyalistes, se félicite Roch Wamytan, le président du groupe Union calédonienne-FLNKS du Congrès. Nous considérons que ce référendum est un galop d’essai. Il y aura d’autres rendez-vous et nous comptons bien convaincre le peuple calédonien la prochaine fois. »
Pour Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne et porte-parole du FLNKS, « dès le 5 novembre commence la deuxième mi-temps jusqu’en 2020, puis de 2020 à 2022 s’il faut une prolongation ». Même tonalité chez Louis Mapou, président du groupe Union nationale pour l’indépendance du Congrès : « La droite locale faisait le pari que la cause indépendantiste est en régression, ce n’est pas le cas, badure-t-il. Les uns et les autres voudraient que l’on ne parle plus des deux autres référendums mais, plus qu’avant, ils ont bien leur raison d’être. »
Les discussions qui vont s’engager prennent en effet une tout autre tournure avec ce résultat, certes confortable pour le non à l’indépendance mais plus étroit qu’espéré dans le camp loyaliste. Les indépendantistes, confortés par la très forte mobilisation de leurs partisans, notamment chez les jeunes, ne se rendront pas à la table des négociations en victimes expiatoires. L’ancien maire de Bourail, Jean-Pierre Aïfa, membre du comité des sages chargé de veiller à la bonne tenue du scrutin, estimait, lundi matin, qu’« il vaut mieux travailler avec du 43-57 qu’avec du 70-30 ».
Clivages profonds
Pour l’heure, cependant, les dirigeants non-indépendantistes espèrent encore pouvoir faire l’économie des deuxième et troisième référendums, même s’ils ont nuancé leurs propos au regard du résultat de dimanche soir.
« Compte tenu de la participation, le résultat est incontestable, estime Mme Backès. Quel est l’intérêt des indépendantistes de reposer la question dans la mesure où, dans deux puis quatre ans, le résultat sera le même ? » M. Gomès, quant à lui, mise toujours sur le dialogue. « L’arithmétique électorale n’est pas bouleversée et les non-indépendantistes restent et resteront majoritaires, badure le député de la 2e circonscription. Mais l’arithmétique électorale a ses limites et la seule voie dans ce pays, c’est le dialogue et le consensus. Je crois qu’on doit réfléchir pour voir si on peut éviter cette nouvelle période de campagne électorale, de tensions éventuelles. »
Pour y parvenir, il faudra toutefois savoir prendre en compte les aspirations qui se sont exprimées lors de cette consultation. Les loyalistes tablaient sur un essoufflement de la revendication indépendantiste. Ils avaient probablement négligé la force du sentiment identitaire dans la communauté mélanésienne. Si les lignes ont bougé à l’occasion de ce référendum, il faudra également prendre en considération à la fois les clivages profonds qui traversent la société calédonienne et les évolutions sociologiques en son sein.
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