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Rennes – Le Goncourt des lycéens, qui fête cette année ses 30 ans, a récompensé jeudi “Frère d’âme” (Seuil) de David Diop, en séduisant le jury par sa “vision terrible de la Grande Guerre”, entre “sagesse” de l’Afrique et “folie” de l’Europe.
Comme l’an dernier, la décision s’est jouée à une voix près. Le roman de l’universitaire palois a été choisi au 2e tour, par 5 voix sur 13, devant “Le Malheur du Bas” (Albin Michel) et “La vraie vie” (L’Iconoclaste), ex-æquo.
“Je suis extrêmement heureux d’avoir été choisi par vous parce que je suis enseignant et que j’ai enseigné en lycée à la fin du siècle dernier, mais je garde toujours dans mon coeur vos regards, vos sourires, quand vous découvrez les textes“, a déclaré l’écrivain, joint par téléphone, aux lycéens, qui seront reçus en fin d’après-midi par Emmanuel Macron à l’Élysée pour la remise du prix.
Les débats du jury, qui se sont déroulés pendant deux heures à l’Hôtel de ville de Rennes, ont été très fournis, ce jusqu’à la dernière minute. “On a dégagé des éléments que nous n’avions pas vus individuellement en première lecture et qui, mis en commun, ont fait qu’on a trouvé ce roman très surprenant, écrit très finement“, a déclaré à l’AFP Zoé Albaladejo, en 1ère STMG à Dax.
“C’était très stressant, surtout au moment du vote final, je crois qu’on s’est tous mis à hésiter (…) C’était beaucoup de pression mais on a vraiment pris le temps de discuter de chacun des romans et je crois qu’on a très bien travaillé pour débattre“, a baduré de son côté Gabrielle Wester, venue du Québec.
Ce deuxième roman de David Diop peut se lire comme un hommage aux combattants de la Grande Guerre et notamment aux 200.000 africains ayant combattu dans l’armée française.
Le narrateur, Alfa Ndiaye, est un tirailleur sénégalais. Lors d’un badaut, son compagnon d’arme et ami d’enfance est grièvement blessé. Il supplie son ami de l’achever mais celui-ci ne peut s’y résoudre. Le livre raconte la tentative de rachat d’Alfa Ndiaye à l’égard de son compagnon, mort dans d’effroyables souffrances.
– “Longtemps ignorés” –
“C’est un message de reconnaissance par rapport à tous ces hommes longtemps ignorés par les manuels d’histoire et qui se sont battus pour la France“, a souligné Kostia Tourjansky-Goffi, en 1ère L à Paris. “Il y a de grands questionnements sur l’honneur, le devoir, l’amitié, l’humanité qui sont vraiment des questionnements importants“, a réagi de son côté Florine Lebesne, en 1ère L Fécamp.
Sylvie Sorel, professeur de lettres qui a dirigé les débats, a indiqué à l’AFP que son rôle n’était pas d’intervenir “sur le fond” mais uniquement “si un argument était faux, notamment d’un point de vue littéraire” ou si “l’argumentation entre les romans n’était pas équitable“.
“Je pense que les lycéens ont aimé la réflexion que porte ce roman, cette sagesse qu’il contient et cette folie terrible. Ils ont très bien su interpréter les différents enjeux de ce roman“, a-t-elle expliqué.
C’est la lecture de lettres de poilus qui a inspiré pour ce roman David Diop, 52 ans, maître de conférences en littérature du XVIIIe siècle à l’université de Pau. Lors des rencontres régionales organisées mi-octobre à Rennes entre lycéens et auteurs, l’auteur, qui a grandi au Sénégal, avait expliqué avoir essayé “d’adapter au français” pour ce roman le rythme de la langue wolof, parlée dans l’ouest de l’Afrique et par l’auteur lui-même.
Organisé par le ministère de l’Éducation et la Fnac, le Goncourt des Lycéens est l’un des prix littéraires les plus convoités avec plus de 443.000 exemplaires vendus en moyenne entre 2012 et 2016, selon le cabinet GfK.
L’an dernier, les lycéens avaient consacré “l’Art de perdre” (Flammarion) d’Alice Zeniter, un récit puissant sur les non-dits de la guerre d’Algérie racontant le destin d’une famille française dont le grand-père fut harki.
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